Archives mensuelles : Mai 2024

La mode n’est pas une chose futile

Il y a 20 ans, j’envisageais de rester vivre en Autriche. J’aimais ma petite vie d’étudiante étrangère, mais je me demandais ce que je pourrais bien y faire. En pleine errance existentielle du début de la vingtaine, je ne savais pas quoi faire de ma vie et j’enviais un peu ceux qui avaient un but professionnel, car je n’en avais pas. Je poursuivais mes études, comme l’on va à l’école, sans grande passion, sans but, plus animée par le shopping, une vie sociale et nocturne très active et les voyages, même si l’université m’ouvrait à des connaissances et surtout à une interprétation et une réflexion sur ces connaissances que je n’aurais pu acquérir par moi-même. À la fac, j’ai appris à structurer ma pensée et j’avoue que j’ai toujours aimé m’interroger, réfléchir et interpréter. Je suis la fille qui pense trop et qui intellectualise absolument tout. Mon rêve était aussi d’écrire, et je couchais déjà ma petite vie sur papier (un brin mégalo, j’avoue). Un ami me suggéra alors que « Les tribulations vestimentaires d’une française à Salzbourg » ne deviendrait pas le futur Goncourt (un brin mégalo, je vous dis), certes, mais finalement quelques années plus tard, les blogs mode et beauté explosaient. Enfin, moi je n’ai pas explosé et plutôt que devenir blogueuse-influenceuse à plein temps, je suis devenue prof (et rentrée définitivement en France), ce qui m’assure un salaire. J’ai tout de même gardé une passion pour la mode qui n’est pas une chose futile, mais bien le reflet de la société.

En français, on dit « l’habit ne fait pas le moine », le vêtement est à mon sens parfois une armure, une façon de se cacher et il ne dit pas forcément grand-chose de celui qui le porte, en apparence seulement. En allemand, au contraire on dit « Kleider machen Leute »_ »l’habit fait la personne » pour les non germanistes, et je suis plus d’accord au fond avec cette expression parce que le vêtement est ce que l’on donne à voir aux autres, donc ce que l’on veut montrer de nous, ou cacher en décidant de ne pas se révéler. Il en dit donc bien plus sur la personne que ce qu’elle pense. Je sais, cela peut paraître un peu complexe, mais c’est la problématique d’une de mes séquences préférées avec mes classes de 4ème! Je vous rassure, cette séquence me permet aussi d’aborder la déclinaison de l’adjectif épithète à tous les cas (smiley diabolique) et tout un vocabulaire basique. Son contenu linguistique est donc bien ancré dans des objectifs de collège, mais il est vraiment intéressant de voir des ados s’interroger et réfléchir à leur propre image, à l’âge où elle leur est compliquée. J’en profite aussi pour faire un peu d’éducation modesque et j’adore citer Karl Lagerfeld et leur rappeler que lorsqu’on sort en jogging, on a perdu le contrôle de sa vie! Ils éructent généralement, mais un an après, au moment de l’oral de brevet, la majorité de mes élèves s’en rappellent et ne se présente pas en jogging (smiley victorieux ). En tant que maman, je laisse mes filles s’habiller comme elles veulent. Cela doit juste être correct (propre et non troué) et de saison. Et pourtant, ce n’est pas de tout repos, j’ai eu droit aux sandales et aux robes d’été par 4°C et aux sous-pulls de ski par 25°C, et donc aux prises de bec qui vont avec…

Pour réellement comprendre la sociologie du vêtement, on peut lire ces 3 ouvrages qui sont vraiment un plaisir autant intellectuel (je suis prof de collège, j’ai besoin de plaisirs intellectuels) que visuel :

La robe, une histoire culturelle du Moyen-Âge à aujourd’hui de Georges Vigarello. On y apprend comment « l’évolution de la robe est intimement liée au contexte social et culturel de chaque époque. Ainsi, du Moyen-Âge à aujourd’hui, il retrace cette histoire faite de ruptures et de révolutions, pour mettre en lumière combien les profils et les modes suggèrent une sensibilité culturelle, épousent une vision du monde, incarnent l’évolution des mœurs. Car l’apparence de la femme traduit bien souvent ce qui est attendu d’elle.« 

Fashion folklore, costumes populaires et haute couture. Le catalogue de l’exposition du MUCEM qui a eu lieu du 12 juillet 2023 au 8 janvier 2024 sous la direction de Marie-Charlotte Calafat et d’Aurélie Samuel publié chez Gallimard. On y découvre les costumes traditionnels qui ont influencé la haute couture, mais ça parle aussi d’appartenance et d’identité donc forcément je ne pouvais qu’aimer… Les entretiens à la fin sont vraiment passionnants.

Erratum, pour en découdre avec les anachronismes à l’écran de Julien Magalhaes. Il épingle « les mauvais exemples d’armure, de corset, de chaussures, de jupe, ou de perruque, l’histoire y est revisitée par ce qu’il y a de plus intime: le costume. Un double regard en aller-retour sur les mentalités d’autrefois et les obsessions de notre époque. »

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Bluegrass

Ne vous méprenez pas au titre de mon billet, « l’herbe ou plutôt la prairie bleue » est un genre musical de la country qui tient son nom du groupe « the bluegrass boys » qui a modernisé l’old-time-music. Bluegrass est aussi le surnom de l’état du Kentucky. Cette musique vient du Kentucky, comme KFC, Kentucky Fried Chicken. Le bluegrass se caractérise par une country folk rythmée, chantée à plusieurs voix, alternant solos musicaux et voix a cappella, et puise ses sources dans les ballades et chansons traditionnelles d’Angleterre, d’Irlande et d’Ecosse que les migrants du XVIIIème siècle ont apportées dans la région des Appalaches. Il est apparue en 1938, mais c’est surtout grâce au film « O ‘Brother » des frères Coen (smiley plein de cœur, j’adore ce film) qu’il se fait connaître hors des saloons du fin fond de l’Amérique. On le retrouve également dans la BO de « Retour à Cold Mountain » (très bon film aussi).

En ce moment j’écoute en boucle (en mode un peu monomaniaque, je le conçois) Alison Krauss & Union Station (merci S.) et surtout The Dead South. J’aurais dû épouser un cowboy, mais le seul vrai cowboy rencontré aux USA était un peu vieux pour moi, et accessoirement je n’étais pas célibataire. Il m’aurait peut-être composé « You are my sunshine » (ben, j’étais blonde, le rayon de soleil …) à la place des Dead South, parce qu’entre nous ça n’aurait pas duré. Je me serais lassée des bisons, des vaches, des chevaux, des grands espaces, de leur anglais, des pickups (je préfère les voitures allemandes) et des burgers et autres steaks, travers de porc et surtout du poulet (Kentucky Fried Chicken!). J’étais d’ailleurs rentrée des States écœurée du poulet. Je préfère la pizza aux anchois et un bon verre de vin rouge, et allez trouver une bonne pizza aux anchois et un bon vin rouge au fin fond des USA… Notre histoire était d’avance vouée à l’échec. Je reste donc sur la musique (et les chapeaux de cowboys), mais ne perds pas espoir que l’Homme qui joue de la guitare et a des origines anglaises, un peu lointaines certes, ça doit bien être quelque part dans son ADN, me compose enfin une chanson.

Les Dead South passent le 18 juin à Paris, à la salle Pleyel (seule date française). Toute excitée, j’annonce à l’Homme « On y va? » qui me répond « Si tu veux! », mais le 18 juin est un mardi et chez les profs, le mois de juin est synonyme de réjouissances : oraux de brevet, de bac (si t’as pas de chance), corrections des dernières évaluations pour avoir des notes (le 3ème trimestre est toujours trop court), conseils de classe, réunions pour préparer la rentrée et bien sûr pas de planning à l’avance pour prévoir. Et puis je finis à 17h le mardi. Tant pis, on n’ira pas les voir!

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